jeudi 27 août 2009

La lettre oubliée



Je suis de retour en Irlande
Dans cette chambre singulière
Aux souvenirs en guirlande
Tessons de vie, éclats d’hier

De la fenêtre, j’entrevois
Les oiseaux planer dans le vent
Ce vent qui porta jusqu’à toi
Une lettre écrite au présent

C’était il y a longtemps déjà
C’était un jour, c’était demain
Pour nous, le temps n’existe pas
Il gît tout au creux de nos mains

La brume, en son manteau épais
Couvre le trait de l’horizon
Les fjords lui font un palais
Où venir poser un feston

J’ai, tant de fois, voulu t’écrire
Pour te raconter mes voyages
Mais ma plume restait de cire
Telle une ride sur un visage

Il m’arrive encore de danser
La valse triste des lilas
Que tu adorais fredonner
Quand je m’endormais dans tes bras

Est-ce l’aura dans cette pièce
Ou bien tout mon désir de toi
Qui fait que je ne mets en pièces
Ce papier couché devant moi ?

A côté de ma signature
Je vais omettre de te dire
Ce mot que, souvent, tu murmures
Mais que je n’ose pas redire

Dans l’enveloppe bien scellée
Sur le rebord d’un guéridon
Elle sera la lettre oubliée
Au destinataire sans nom

vendredi 21 août 2009

Le Brenoï amoureux


Les chemins d’Orcival mènent jusqu’à ton lit
Que déserte l’ennui, les soirs de mélodies
Quand ton piano joue au milieu de la nuit
Pour ce nouvel amour que ton âme supplie.

Aux abords du Guéry, elle vit dans l’inconnu
D’une chanson qui naît sur tes cordes mouillées
Et Margot, l’infidèle, montrera son sein nu
Sous la note sifflée que caresse l’ondée.

Un vol de milan noir vient troubler les hérons
Dans ce Cheyenne automne tout juste naissant
Quand l’omble chevalier danse aux côtés des joncs
Loin des jeux audacieux des feux de la Saint-Jean.

Dans ta biaude souillée et tes esclops usés
Sous tous les vents de foehn, berger de Chamablanc
Tu repenses, insouciant, aux baisers échangés
Avec une pucelle, Col de la Croix-Morand.

C’est la nature du genre de vouloir tant aimer
A se tordre les mots sur du papier-émeri
Du plus grand cimeterre et sa lame d’acier
Tu crains le bleu final d’un amour interdit.


à l'ami Bergheaud

vendredi 14 août 2009

Ambrosius



Dans tes arènes bleues, sous le soleil levant
Tes doigts bagués de sang ont déchiré cent fois
La robe d’Aurélia.

Regarde l’assiégée, Ménade aux yeux d’Onyx
Princesse évaporée des eaux troubles du Styx
Ta cité du pardon.

Elle embrassa ta bouche et ta peau burinée
Par tous les vents salés d’innombrables combats
La spatha sous le bras.

Par-dessous ton armure, à l’ombre d’un murmure
Elle caressa ton cœur au gré de tes humeurs
Ton glaive au creux des reins.

Errante au Mont Badon, son voile s’émiette
Elle redoute Léthé, tu sais bien qu’il vous guette
Pour un dernier baiser.

mercredi 5 août 2009

Poetria


Je t’envoie un poème aux syllabes muettes
Quelques vers brisés sur un trait sémantique
Un quatrain de pensées, aujourd’hui, désuètes
Acrostiche imparfait d’un amour idyllique.

Je t’écris quelques mots qui ne riment à rien
Pour crier, en silence, que l’amour est mon roi
La césure est épique autant que notre lien
Et le point de suture vient s’imposer à moi.

J’en oublie le haïku sous le verbe acéré
Quand se réchauffe l’ode au manteau de Verlaine
Puis, je pense, tout bas, au poète oublié
Qui m’offrit un sonnet aussi doux que la laine.

En dévoilant mon cœur, je tente l’hémistiche
D’une plume émoussée qui, ce soir, jette l’ancre
Au bord de la métrique, sous mon regard de biche
Bien plus voluptueux que le bleu de ton encre.

J’évite le tercet et ses pieds trop vernis
Car, dans l’alexandrin, s’endort Alexandra
Mais, du ciel onirique, tu sauras que je suis
La légende dorée, immortelle Ambrosia.